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Styles et catégories

Quelles catégories utiliser pour décrire les sculptures balinaises modernes ? La question est difficile. Les catégories que je propose ici sont issues des connaissances que j'ai acquises au fil de mes échanges et de mes lectures autant que de mes observations personnelles. Elles comportent donc une part de subjectivité et ne prétendent pas apporter une réponse exhaustive ni définitive à la question.

 

Style traditionnel


On peut parler de "style traditionnel" pour désigner un mode de représentation fréquemment employé au début du XXe siècle, et parfois plus tardivement, dans la figuration de divinités, de personnages ou d’épisodes tirés des grands récits de l’hindouisme. Les statues produites dans ce style ressemblent à certaines pièces caractéristiques de la fin du XIXe siècle dont on trouve d’intéressants exemples dans les collections du Nationaal Museum van Wereldculturen (Pays-Bas), mais elles sont généralement de plus petites dimensions. Les formes d’un réalisme modéré et la gestuelle codifiée restent fidèles à des types issus de la tradition. Ce style tend à privilégier une posture frontale, souvent symétrique et statique, en particulier dans la représentation de figures seules. Lorsque la statue n’est pas polychrome, le bois employé apparaît souvent sombre, d’un brun rougeâtre. Les meilleures réalisations dans ce style se distinguent par une abondance de détails finement ciselés, dans les vêtements comme dans les éléments de parure.

Sculpture Bali Tropenmuseum
Statue bois dieu Rama Bali

Gauche : Waruna, avant 1900, 116,5 cm, bois polychrome, Nationaal Museum van Wereldculturen, sous licence Creative Commons

 

Droite : Rama, première moitié du XXe siècle, 31,5 cm, collection personnelle​

 

La statue représentant Waruna fait partie d'une série de 28 figures de divinités balinaises commandées par le musée ethnographique national de Leiden pour être présentées dans la section coloniale néerlandaise lors de l’Exposition universelle de Paris en 1900. Comme beaucoup de statues traditionnelles, elle est polychrome et de taille imposante. En bois naturel et de taille réduite, la statue de Rama traduit l'adaptation du style traditionnel au marché touristique.​​

 

Figures traditionnelles modernisées


La notion de style serait peu adaptée pour décrire cet ensemble assez hétérogène, dans lequel je propose d’inclure les représentations de figures et d’épisodes traditionnels lorsqu’elles s’éloignent plus ou moins fortement des conventions classiques. C’est une tendance qui s'affirme particulièrement après l’indépendance, avec le développement des galeries. L’interprétation des motifs peut passer par une recherche de naturel plus marquée ou par une diversification des postures. Elle peut encore s’exprimer par un éloignement vis-à-vis de l’iconographie classique, notamment dans la représentation des attributs, que cela résulte d’une licence créative ou d’une moindre connaissance des canons iconographiques de la part de certains sculpteurs. Dans certains cas, ces libertés prises avec l’iconographie traditionnelle peuvent compliquer l’identification des figures ou des sujets représentés.

Réalisme

 

Certaines sculptures témoignent d’un souci particulier de fidélité à une réalité observée, spécialement sur le plan anatomique, dans le traitement des formes, des expressions et des postures. Cette tendance réaliste est très présente dès la première moitié du XXe siècle, notamment dans la réalisation des bustes. Elle concerne plus largement des représentations de scènes de la vie quotidienne, voire, bien que dans une moindre mesure, certaines représentations animales.

Dewi Sri statue bois Bali

Une figure traditionnelle modernisée : Dewi Sri par I Wayan Narta, deuxième moitié du XXe siècle​, 49 cm, collection personnelle

Buste bois jeune homme balinais

Un exemple de sculpture réaliste : buste de jeune homme par I Made Pait, années 1930-1940​, 36,5 cm, collection personnelle

 

 

Style wayang

 

Ce style a été principalement pratiqué dans les années 1930-1940. Une proximité formelle avec certaines réalisations du mouvement "art déco" en vogue notamment en Europe et aux États-Unis dans les années 1920-1930 a pu faire croire que ce style avait son origine dans une influence occidentale et a conduit à le qualifier de "style art déco". Cette dénomination est encore fréquemment employée dans l’univers des collectionneurs. Si toute influence occidentale n’est pas à exclure (Bali constituant un point de croisement des cultures dès le début du XXe siècle), Koos van Brakel a toutefois montré que les caractéristiques du style en question découlent bien plus naturellement d’une transposition, dans la sculpture sur bois, de traits déjà présents dans les marionnettes du théâtre d’ombre traditionnel, ou wayang kulit. Si bien que "style wayang" paraît une dénomination plus appropriée. L’étirement domine dans les proportions, généralement peu naturelles. Les silhouettes sont fines. Les bras, à l’image de ceux des marionnettes, sont formés d’étroits et longs cylindres, tandis que les jambes demeurent souvent plus charnues. Le visage présente des arcades sourcilières marquées surmontant des yeux effilés en amande, des pommettes saillantes, un nez fin et long, des lèvres proéminentes. Il n’est pas rare que les oreilles soient grandes et placées assez haut. Les doigts sont exagérément allongés et étroits, et comportent souvent une double incision à la naissance de l’ongle. D’une sculpture à l’autre, le mode et le degré de simplification ou de géométrisation des formes peut cependant varier assez sensiblement. Les sculptures les plus raffinées produites dans ce style comptent aujourd’hui parmi les pièces les plus recherchées des collectionneurs.

Statue bois femme style art déco wayang
Wayang Puppet Bali Tropenmuseum

Marionnette wayang représentant Rama, avant 1966, environ 45 x 15 cm, Nationaal Museum van Wereldculturen, sous licence Creative Commons

Femme en prière dans le style wayang, années 1930 ou 1940, 30 cm, collection personnelle

 

Style élancé

 

A ma connaissance, ce style n’a pas de nom usuel en français. Je propose donc de l’appeler ici "style élancé". Il apparaît au milieu du XXe siècle par l’exploration des possibilités induites par l’interprétation libre des proportions et l’étirement des figures déjà pratiqués dans le style wayang – si bien qu’il a également pu être décrit comme une variante du style "art déco". Il a été le terrain de prédilection de sculpteurs comme I Wayan Wiri et I Made Runda. Il conduit parfois à une forme de maniérisme fondé sur des effets d'ondulation ou de contorsion plus ou moins extravagants.

Style aux formes pleines

Un autre style important, mais dépourvu de nom usuel en français. Je propose "style aux formes pleines", mais on pourrait aussi bien parler de style "rond" ou "charnu". Inventé en 1956 par Ida Bagus Njana avec une fameuse figure de femme endormie conservée au musée Puri Lukisan, ce style tout en rondeurs est souvent employé pour des représentations pleines d’humour et de tendresse de dormeurs ou de dormeuses, de couples, de femmes enceintes ou de maternités. Il se prête tout particulièrement à un jeu entre les formes sculptées et la mise en évidence de motifs inscrits dans la structure du bois. Il constitue l’un des styles de prédilection de sculpteurs importants comme Ida Bagus Tilem et I Wayan Purne.

Statue bois nymphe céleste Bali
Statue bois femme enfants Bali

Un exemple de style aux formes pleine : femme et enfants par I Wayan Gejir, deuxième moitié du XXe siècle, 25,5 cm, collection personnelle

Figure dans le style élancé, années 1950, 42 cm, collection personnelle

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