I Wayan Wiri et l’art de l’étirement
- Olivier
- 29 nov.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 déc.

Avec 73 cm de hauteur, cette sculpture est la plus grande de ma collection. Que représente-t-elle? Je n’ai pas de certitude à ce sujet, mais il pourrait s’agir de la déesse Dewi Sri. Vêtue d’une longue robe, la figure retient d'une main un pan de tissu contre son sein. Sur son avant-bras gauche repose un pudak - l'inflorescence du Pandanus amaryllifolius, une plante largement cultivée en Indonésie et considérée comme un symbole de fertilité. Les figures féminines portant un pudak sont assez fréquentes dans la sculpture balinaise. La création d'un sculpteur anonyme reproduite ci-dessous, plus traditionnelle dans son traitement, illustre ce même motif. On remarque que le pudak est porté dans les deux cas avec un geste qui semble exprimer délicatesse et attention – un peu comme on porterait un enfant.

La sculpture d'I Wayan Wiri a probablement été réalisée entre 1950 et le milieu des années 1970. Comme d’autres sculptures élancées et de grande taille produites durant cette période, elle est emboîtée dans une base qui la stabilise. Celle-ci, taillée dans un bois différent, porte sur le dessous la signature du sculpteur: "IWAJANWIRI MAS BALI"*.
I Wayan Wiri semble avoir été un sculpteur productif. Ses figures se distinguent par un étirement prononcé de la silhouette. Cette pièce montre comment, usant d'un procédé que l'on pourrait qualifier de maniériste, il se plaît à combiner l'étirement avec un mouvement de vrille: de bas en haut, la figure tourne sur son axe vertical, de sorte que ses pieds et son visage se trouvent orientés dans des directions opposées. Les bras ont une apparence gracile. Le visage, en forme de triangle long et étroit, présente une bouche légèrement souriante et des yeux en amande dont l’inclinaison est très marquée. Certains détails – plis du sourire près des commissures, ligne soulignant la paupière supérieure, traits redoublant des plis du vêtement – sont rendus par des incisions d’une remarquable finesse.
Ce sculpteur qui a inventé un style personnel reconnaissable entre tous fait à mon avis partie de ceux dont le talent est parfois sous-estimé par les collectionneurs. Il est vrai que toutes ses pièces ne sont pas d’égale qualité. Si l’on trouve dans sa production une déclinaison abondante de petites figures assises d'assez bonne facture, mais un peu simples, son talent s’exprime pleinement dans ses grandes et délicates représentations de déesses ou de nymphes. Celle-ci en constitue un exemple significatif.
* L’emploi de la graphie "Wajan" indique que la pièce a été réalisée avant 1976, date à laquelle une réforme orthographique a conduit à remplacer le "j" par un "y", transformant ainsi "Wajan" en "Wayan". Je remercie le spécialiste de sculpture balinaise Soemantri Widagdo pour cette précieuse information.







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