Un Dormeur
- Olivier
- 13 nov.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 déc.

Le sujet est très simple: un jeune homme aux formes généreuses est endormi. Il est assis, ses jambes dissimulées sous un sarong. Sa tête est inclinée sur son épaule.
Comme souvent dans la sculpture balinaise, cette pièce n’est pas signée. Mais selon le vendeur indonésien auprès de qui je l’ai acquise, elle a été réalisée par un sculpteur nommé I Made Satriawan durant la décennie 1960, dans le village de Mas. Ses dimensions (22 x 22 x 24 cm pour 4,8 kg) en font l’une des pièces les plus imposantes de ma collection. Le bois, d’une belle teinte rougeâtre, pourrait être une variété de jacquier.
Cette figure de jeune homme endormi est une variation sur la base de la dormeuse créée par Ida Bagus Njana en 1956 dans le même village de Mas, et aujourd’hui conservée au musée Puri Lukisan*. Je n’ai pas trouvé d’informations complémentaires concernant Satriawan, mais cette pièce désigne un sculpteur remarquablement habile et une connaissance précise de l’œuvre de Njana, voire un contact direct avec celui-ci, peut-être en tant qu’élève ou que collaborateur.
Le caractère novateur de la sculpture de Njana réside dans la plénitude de la silhouette, mais aussi dans la suggestion d’une sorte d’affaissement de la figure sur elle-même: l’amollissement des chairs et la manière dont la tête inclinée sur l’épaule semble prête à se fondre dans la masse du buste y expriment la plongée dans le sommeil avec autant de fantaisie que d’efficacité. Satriawan conserve l’impression de souplesse dans le rendu des chairs, mais opte pour un traitement plus charpenté. La figure, aussi développée dans la profondeur que dans la largeur, impose sa présence. La tête se détache nettement de l’épaule, et son volume est défini avec beaucoup de franchise. Le modelé des paupières closes, du nez et de la bouche indique que le travail de stylisation est soutenu par une bonne connaissance de l’anatomie.


Le style aux formes pleines est souvent l’occasion d’un jeu raffiné avec les propriétés d’un bois choisi pour sa beauté. C’est particulièrement le cas ici. Par leur orientation, les veines rougeâtres semblent caresser doucement la surface du corps, formant une sorte d’évocation matérielle et colorée du sommeil qui, comme un cours d’eau, paraît emporter l’esprit du jeune dormeur dans un rêve qui nous échappe.
* Je ne dispose pas des droits qui me permettraient de reproduire ici la sculpture de Njana. On en trouve une reproduction page 102 de l'ouvrage de Koos van Brakel, Art Fallen From Heaven, Modern Balinese Sculpture (2022, éditions LM Publishers), avec un commentaire de Soemantri Widagdo.



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