La petite femme enceinte et le point d’origine
- Olivier
- 20 déc.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 déc.

Cette petite figure ne porte aucune inscription, mais d’assez fortes similitudes avec une autre pièce de ma collection signée I Wayan Gejir pourraient justifier une attribution à ce sculpteur. Comme le dormeur dont il est question ici, il s’agit d’une variation sur le motif de la figure endormie créé par Ida Bagus Njana en 1956. Outre l’aspect replet caractéristique du style aux formes pleines, on retrouve l’attitude du modèle de Njana, avec la position assise, les mains reposant sur le ventre et la tête inclinée sur l’épaule.
Toute en rondeurs, la sculpture représente une femme enceinte. Loin de tout réalisme, le sculpteur explore une esthétique pleine d’humour et de délicatesse. Pour conférer un maximum de douceur aux formes, il privilégie les enchaînements fluides de surfaces convexes et concaves qui laissent glisser la lumière. Il accorde une attention particulière à certains détails, peu visibles au premier regard: la manière dont la surface du sein gauche se creuse légèrement sous la pression du pouce, suggérant la souplesse de la chair, ou le très léger renflement sur lequel s’inscrit l’incision du nombril – la seule qui soit franche et profonde avec celle placée plus haut, au centre du subeng (l’ornement circulaire porté à l’oreille).
Mais un autre aspect contribue à l’intérêt de cette pièce. Je veux parler du jeu entre les formes et les lignes dessinées par les cernes à la surface du bois. En observant attentivement ces lignes, on voit qu’elles épousent la courbure des épaules et le volume des seins. Mais surtout, on remarque qu’avec beaucoup d’à-propos, le sculpteur a placé la courte incision figurant le nombril au centre des cercles concentriques formés par les cernes. Si bien que ce point – qui renvoie symboliquement à l’origine de la vie de la mère comme à celle de son enfant à venir, et, au-delà, à l’origine de la vie humaine en général – coïncide avec le point d’origine de la croissance de l’arbre dont le bois a servi pour sculpter la figure.

Du dégrossissage à la finition, un sculpteur sur bois habile sait comment la progression de la taille peut révéler certaines qualités inhérentes au bloc qu’il travaille. Un restaurateur auquel je confie parfois certaines de mes pièces m’a un jour dit que l’une des qualités qu’il trouvait les plus remarquables dans le travail des sculpteurs balinais était justement cette capacité à extraire les ondulations dessinées par les cernes. Mais s’il est assez fréquent, en effet, que des sculptures balinaises témoignent d’un tel dialogue avec les propriétés intimes du bois, rares sont cependant celles qui en tirent aussi subtilement parti pour enrichir la portée symbolique de l'œuvre.



Commentaires